mercredi 22 décembre 2010

Le plaisir d'écrire à la main

Rien n'est plus léger que de tenir une plume, ni plus heureux; les autres plaisirs sont éphémères, et leurs ravissements nocifs. La plume apporte la joie quand on la prend en main, et la satisfaction quand on la pose.
Pétrarque
Mes plus lointains souvenirs sont liés à l'écriture. J'ai toujours aimé écrire, tout comme j'ai toujours aimé lire. Néanmoins, le plus lointain souvenir que je puisse rappeler à la surface de la conscience est vague, imprécis : tracer des suites infinies de lettres sur des lignes dans un cahier ligné d'écolier, avec une plume qu'on trempait dans l'encre. De grandes grosses lettres... aussi belles et parfaites que le bras et la main d'un enfant pouvait le faire. Bien entendu, on tachait la page blanche du cahier de pratique et on se tachait les mains d'encre... Il fallait bien casser les œufs pour faire une omelette, n'est-ce pas?

Il y a une quarantaine de mois, j'avais visité une exposition spéciale dans un des musées de ma région. De passage, par curiosité, dans la boutique du musée, j'ai remarqué qu'on y vendait des ensembles de plumes métalliques et de portes-plume, ainsi que des encres et des carnets. Les souvenirs d'enfance ont refait surface, ont surgi des replis de ma mémoire : j'ai eu plaisir à apprendre à tracer mes premières lettres, à m'appliquer à leur donner forme, à les assembler, à former mes premiers mots. J'ai acheté un de ces ensembles, en me promettant de me consacrer à la calligraphie lorsque viendrait la retraite, lorsque je disposerais de plus de temps à perdre.

Reconstitution personnelle de vieux souvenirs d'une enfance ressuscitée...
pupitre d'écolier, encrier, encre, plumes, porte-plume, papier buvard, coffre à crayons...

Quelques mois plus tard, il y a trois ans, je recevais un ensemble de stylo-plume et de stylo à bille roulante en cadeau. Ce fut l'étincelle qui raviva une passion qui était demeurée latente pendant des années. J'ai fouillé dans mes tiroirs. J'ai réanimé ma vieille plume. Celle qu'on m'a donnée en cadeau lorsque j'ai amorcé le deuxième cycle de mes études. J'avais douze ans. Je la surnomme ma collégienne.
À la même occasion, à l'aube de mes soixante ans, donc, j'ai résolu de prendre le temps de le perdre... à écrire... Pendant des années, j'ai pratiqué le métier de scribe, au service d'organisations plus ou moins grandes. Désormais, je prendrais le temps d'écrire pour me faire plaisir... pour mettre de l'ordre dans mes ruminations... J'aurais pu le faire en me servant d'un ordinateur. J'ai choisi de le faire manuellement. Ce fut là une prise de conscience. J'ai constaté que j'écrivais mal, que j'avais de la difficulté à écrire lisiblement, moi qui m'enorgueillissait déjà, il y a longtemps, d'avoir une belle main d'écriture. 


Ma collégienne, qui m'accompagne depuis un demi-siècle...
J'avais négligé mon écriture. Comme tous ceux dont c'est le métier d'écrire, j'ai adopté l'ordinateur dès le début. Deux décennies et plus ont passé. Je n'utilisais plus le crayon, le stylo ou la plume que pour prendre des notes, griffonner des ébauches, dresser des listes ... Avec le temps, j'étais devenu très habile à manipuler le clavier et la souris. On avait l'impression que nos doigts suivent plus facilement le rythme de la pensée. La réalité, c'est qu'on appréciait la facilité avec laquelle on pouvait composer. L'ordinateur augmentait le plaisir d'écrire. Alors, pourquoi vouloir revenir en arrière, reprendre la pratique de l'écriture manuelle.

Au point de départ, je n'avais pas l'impression de faire marche arrière. Je voulais tout simplement renouer avec le plaisir d'écrire à la main.

Je me suis donc procuré quelques livres sur la calligraphie. À vouloir soigner mon écriture, j'ai vite compris qu'il me fallait ralentir, que je ne pouvais écrire aussi « vite » à la main que je le faisais à l'ordinateur, que je devais réapprendre à prendre le temps. J'ai constaté qu'il me fallait réapprendre à tracer mes lettres. C'est difficile d'apprendre à écrire; c'est du travail, un travail minutieux; on l'oublie avec le temps. Avec la pratique, des heures de pratique, le geste d'écrire devient plus aisé; je le maîtrise aujourd'hui beaucoup mieux.

Je voulais tout simplement renouer avec le plaisir d'écrire à la main.

mercredi 15 décembre 2010

Voyager en auto-caravane

Septembre et octobre 2010

Comment s'y prend-on pour parcourir 3 000 kilomètres pendant six semaines, sans changer de chambre à tout bout de champ, sans avoir à refaire ses valises à tous les deux ou trois jours, ou même à chaque semaine, et en ne mangeant dans les restaurant qu'environ une fois sur trois en moyenne?

Pour nous, le camping est une manière de voyager. Ce n'est pas une activité en soi. Nous savions depuis longtemps que se déplacer en auto-caravane offre de nombreux avantages pour effectuer un long parcours sur une longue durée. L'avantage le plus important, à notre avis, c'est celui de se sentir chez-soi pendant qu'on se déplace. 

L'impression de se sentir chez-soi...

Certaines personnes, lorsqu'elles voyagent, préfèrent se faire servir tous leurs repas et ne pas s'occuper de l'entretien de leur chambre d'hôtel. D'autres se lassent rapidement de ce régime et, bien qu'ils aiment découvrir de nouveaux pays, s'ennuient de leur chez-soi. Un couple de Québécois que nous avons croisés lors de notre visite de la Cathédrale Sagrada Familia à Barcelone, nous ont confié que l'aspect qui les dérangeait le plus de leur voyage était celui de ne pas dormir dans leur lit à tous les soirs.
 

Un point d'ancrage...
Une auto-caravane est l'équivalent d'un petit appartement mobile. Ce n'est pas beaucoup moins spacieux qu'une chambre d'hôtel. 

Dès le premier jour où nous en avons pris possession, nous avons vidé nos valises et nous avons rangé nos effets dans les tiroirs, les armoires et la pharmacie. Le modèle d'auto-caravane que nous avons loué ne manquait pas d'espace de rangement, tout au contraire. Même le réfrigérateur était plus volumineux que nous l'avions prévu. L'espace habitable, par contre, était restreint mais confortable. 

Premier matin en camping en France, à Lyon



Le premier jour, nous avons aussi commencé à nous équiper : les éléments de base pour faire la cuisine et les produits d'entretien tels que du savon et des éponges, ainsi que des boîtes de papier-mouchoir, des serviettes de papier, une rallonge électrique, etc. À la même occasion, nous avons fait nos premières provisions : fruits, légumes, viandes froides, huile, pain, oeufs... Nous avons été chanceux : il y avait un centre Auchan, un hypermarché, à distance de marche du premier camping où nous nous sommes installés. On y a trouvé tout ce dont nous avions besoin pour amorcer notre exploration du sud de la France. Ce fut une activité qui nous a permis de mieux connaître la France et les Français, telle qu'on ne l'aurait pas connue si on avait choisi un autre mode d'hébergement et de déplacement.


Préparer son propre repas accentue cette impression de vivre chez-soi en voyage.
On achète le poisson le jour même... les légumes sont frais...

Cette impression d'être chez-soi se renouvelle à tous les jours, dès le matin en se levant, jusqu'en soirée, et surtout au moment des repas. 

Nous avons souvent mangé dans l'auto-caravane : pas seulement le matin et bien souvent le soir, mais aussi à l'heure du midi, dans des haltes routières, ou sur le bord de route, lorsque l'occasion s'y prêtait et que c'était sécuritaire. 
 

S'approvisionner... 
Il faut reconnaître que c'est très agréable de faire son marché en France et en Catalogne. Du pain frais à tous les jours, du fromage et du vin de chacun des « pays » que nous avons visités, des fruits et légumes frais, et les produits locaux de toute nature. On trouve un grand choix de produits, autant dans les marchés publics que dans les boulangeries, les boucheries, et autres marchés d'alimentation -- superettes, supermarchés, hypermarchés... 

Place du Marché - Marseillan Plage
À distance de marche du camping
Ce n'est qu'au camping Tres Estrellas, en banlieue sud de Barcelone, qu'on a trouvé sur le terrain de camping-même, presque tout le nécessaire dont on peut avoir besoin en camping. Même en fin de saison, les étalages du petit magasin y étaient remplis de toutes sortes de produits : des produits congelés aux plats cuisinés et aux aliments frais, ainsi que des conserves, des outils, des ballons, et des parasols pour la plage.

Partout ailleurs, il fallait sortir du terrain de camping pour s'approvisionner. Dans les régions rurales et dans les petites communes, comme à Ambert en Auvergne ou à Marseillan-Plage au Languedoc, il y a les marchés hebdomadaires. Des producteurs locaux nous présentent eux-mêmes leurs produits. C'est un réel plaisir de s'entretenir avec ces producteurs de leurs produits : la différence entre tel et tel miel ou fromage, quelles sont leurs recettes... La relation avec le marchand devient personnelle.

Chaque jeudi matin au marché public d'Ambert, en Auvergne, on offre
un grand choix de produits frais : pain, fromages, saucisson, vin...

Partout où nous avons fait nos emplettes, nous avons parlé, souvent même dans les grandes surfaces. 

Le matin, à Figeac dans le Lot, en se rendant au Musée des écritures du monde, nous nous sommes arrêtés dans une boulangerie pour nous informer des heures d'ouverture. Nous voulions nous assurer que nous pourrions y acheter du pain en fin de journée, en retournant au camping. La boulangère a non seulement répondu à notre question, elle nous a aussi suggéré un restaurant tout près du musée pour le repas du midi - elle en connaissait la propriétaire. Nous y sommes revenus en fin d'après-midi. Elle ne nous a pas seulement vendu du pain, des croissants et des pâtisseries, elle s'est aussi informée d'où nous venions, ce que nous faisions dans la vie, comment on avait trouvé le restaurant, la ville, le musée, ... À un moment donné, je me suis rendu compte qu'elle nous faisait parler, et qu'elle prenait autant plaisir à écouter notre accent que nous en avions à écouter son accent du Midi...




C'est pour le plaisir de l'expérience d'y vaquer que nous nous sommes promenés
dans les allées bondées du grand marché central de La Boqueria,
en plein centre de Barcelone. Nous y avons fait une petite épicerie
de légumes et de fruits frais que nous avons ramenés en autobus
jusqu'au camping à la fin d'une journée de tourisme.

Les sites de camping
Étant donné la saison, il y avait peu d'affluence dans les terrains de camping. Il est vrai que les Européens pratiquent beaucoup plus l'autonomie en camping que nous le faisons en Amérique du Nord, ce qui enlève de la clientèle aux établissements de camping. Nous n'avons pas eu besoin de réserver nulle part. Par contre, il faut tenir compte des heures d'ouverture. Plusieurs établissements ferment tôt. On peut s'installer pendant la soirée et s'enregistrer le lendemain matin. Il est bon d'arriver tôt aux établissements situés dans ou près des grandes villes, pour choisir un site agréable.


Les installations sont sécuritaires et elles sont généralement bien entretenues. Sauf de rares exceptions, nous avions accès à l'Internet, généralement dans un périmètre rapproché de l'accueil. Parfois c'était gratuit.

Partout, nous avons choisi des sites de camping en fonction de l'accès qu'ils nous offraient aux endroits que nous voulions visiter. Dans le cas des grandes villes, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Barcelone, Avignon, nous avions accès au réseau de transport en commun. Dans les autres endroits, tel qu'à Ambert, Figeac, Sarlat, on pouvait se rendre à pied aux lieux que nous voulions visiter. Les seules régions où nous avons éprouvé des difficultés d'accès sont cellec du Languedoc et de la Provence. Nous avions prévu nous installer dans un endroit relativement central, d'où nous pourrions essaimer. Marseillan-Plage nous était apparu comme étant idéal pour visiter Sète, Nîmes, Montpellier... L'accès aux stationnements y est très difficile pour les camping-car. Nous avons été chanceux de trouver une place à Sète. Pour visiter Marseille, nous avons pris le train régional pour faire un aller-retour à partir d'Avignon.


Au tout début du voyage, dans les montagnes de l'Auvergne, les nuits ont été froides. Ailleurs, la température fut très agréable.


Les routes
L'auto-caravane que nous avons louée était un peu plus grande que celle que nous possédons. Nous avons donc dû nous habituer à la manœuvrer, surtout sur le réseau routier français. Les chauffeurs nord-américains qui sont habitués à conduire des véhicules plus gros, tels que des camions ou des autobus, trouveront que les rues sont étroites. La conduite est manuelle. Il n'est pas toujours facile de s'orienter, même avec les cartes les plus précises et détaillées; mais le caravanier le plus expérimenté doit composer avec cette réalité partout, même dans son propre pays ou sa propre région. Il faut s'habituer à la signalisation. On apprend graduellement, avec l'expérience à se fondre dans la circulation.


À plusieurs occasions, je me suis arrêté au cours de la journée pour me reposer... voire, faire la sieste, sur le bord de route. C'est un avantage dans une auto-caravane, de pouvoir s'allonger sur un lit. Il y a des haltes-routières dans la plupart des régions. À certains endroits, on y trouve de beaux panoramas. Certaines autoroutes sont payantes. Le long des celles-ci, certaines haltes offrent un minimum de services - essence, sanitaires, table de pique-nique. Ailleurs, on y trouve non seulement des services de restauration, mais aussi un hôtel et des boutiques qui mettent en valeur les produits de la région.


Halte routière de la Haute-Garonne, sur l'autoroute Entre-deux-mers,
à l'est de Toulouse, en direction de Carcassonne :
on y trouve un centre d'interprétation sur le Canal du Midi et
on peut y faire une randonnée en bateau.

Six semaines en voyage, c'est long. Mais nous croyons que de le faire en auto-caravane a été beaucoup moins épuisant que si nous l'avions fait en automobile ou par train. Nous avons pu visiter des régions rurales tout autant que des villes. Cette expérience de camping nous a aussi servi d'apprentissage pour les voyages de longue durée que nous avons l'intention de faire dans les années à venir.

samedi 4 décembre 2010

Dernière journée à Lyon -- visite de la Croix Rousse en matinée...

Mercredi 13 octobre, Lyon : un retour aux sources des mouvements ouvriers modernes en Occident

C'était notre dernière journée complète en France. Rappelons qu'il y avait grève générale ce jour-là en France.

Nous décidons de visiter le quartier de la Croix Rousse en matinée. Une visite opportune en quelque sorte, étant donné le climat social en France. 

Ils s'y connaissent en France, et spécialement à Lyon, mais aussi dans d'autres villes françaises, en matière de résistance aux pouvoirs établis. L'histoire sociale de la Croix Rousse, « la colline qui travaille », et de l'industrie du tissage de la soie en particulier en témoigne.

La Croix Rousse, vue de la rive droite du Rhône...
toute une colline à monter.

Nous remontons donc la colline de la Croix Rousse jusqu'à la Maison des Canuts. On y trouve un musée et une boutique. Des visites guidées permettent au visiteur de s'introduire à l'histoire de la fabrication de la soie à Lyon, de voir le fonctionnement des métiers à tisser Jacquard, et de mieux connaître l'histoire du quartier de la Croix Rousse et de ses habitants.  

*****

C'est une histoire à connaître et qui, lorsqu'on la connait, nous permet de mieux comprendre le présent. Le courant de l'histoire n'est pas uniforme. Parfois, il ralentit. Parfois même, il peut changer d'orientation. Il peut même régresser. Mais ça, c'est un tout autre sujet.

La fabrication de la soie était devenue, à la fin du 18e siècle, un véritable processus industriel. Plusieurs gens de métier y participaient, avec chacun son rôle dans une série d'interventions, une forme de chaîne industrielle. Il y a ceux qui fabriquaient le fil de soie, un processus en soi, ceux qui dessinent les motifs des tissus et ceux qui en programment l'exécution sur le métier en traduisant les dessins sur des cartes perforées... et ainsi de suite.


Le métier à tisser Jacquart, photos ci-dessus, est une innovation importante par rapport aux métiers antérieurs. Il permettait à un seul tisserand de le manipuler. Il combinait plusieurs techniques qui existaient antérieurement, dont celle de la carte perforée. 

Cartes perforées qui programment le métier pour l'exécution des motifs sur le tissu.
Il suffirait d'y conjuguer, progressivement, le long des décennies, sur deux siècles
la technologie de la machine à vapeur, à celles de l'électricité et plus tard, de l'informatique...




 














La visite terminée... un passage à la boutique, où on peut passer autant de temps que nécessaire à examiner un échantillon des meilleures productions des artisans de la Croix Rousse... puis, nous sommes retournés sur nos pas, afin d'amorcer la descente vers la presqu'ile de Lyon... Il est déjà midi. Nous nous arrêtons à la Brasserie des écoles, au 27 de la Place de la Croix Rousse. Bien entendu, nous ne vous la recommanderions pas si nous n'avions pas trouvé un repas et une ambiance très agréable. 



Pour redescendre vers le centre de Lyon, via la Place des Terreaux, nous avons traversé le réseau des Traboules... les passages qui traversaient les immeubles situées sur la pente de la Croix Rousse et qui constituaient des raccourcis pour les ouvriers qui la grimpaient pour se rendre à leur atelier.